Saturday, October 26, 2013

Reincarnation

Concernant la réincarnation, les méprises sont fréquentes et nombreuses même parmi les bouddhistes. 

Tout d'abord, il faut bien comprendre que ce qu'on appelle réincarnation dans le bouddhisme n'a rien à voir avec la transmigration d'une "entité" quelconque, rien à voir avec la métempsycose. 

Tant que l'on raisonne en termes d'entités plutôt que de fonction, de continuité de l'expérience, le concept bouddhiste de renaissance ne peut pas être compris. 

Il est dit "qu'aucun fil ne passe au travers des perles du collier des renaissances." 

Il n'y a pas identité d'une "personne" au travers de renaissances successives, mais conditionnement d'un flot de conscience

Selon le bouddhisme, effectivement, il n’y a pas d’âme et il n’y a pas non plus de “personne” considérées comme des entités distinctes. 

Il n’y a qu’un flot dynamique d’expérience, instant après instant, que l’on appelle la conscience. 

Dans le monde de l’inanimé, il est admis que « rien ne se crée, rien de ne perd ». 

Il n’y a que des transformations. 

La matière ne peut naître ex nihilo. 

Selon le bouddhisme, il en va de même de la conscience, qui ne peut ni surgir de rien ni passer de l’existence phénoménale au néant. 

D’où l’idée d’un continuum de conscience qui se poursuit d’état d’être en état d’être.

Ce continuum n’implique nullement l’existence d’une âme ou d’un “moi”, pas plus qu’il n’existe une entité “Ganges” distincte du flot sans cesse changeant que l’on appelle le fleuve “Ganges”. 

On peut parler à juste titre du Gange à sa source et du Gange à Bénarès, car il s’agit du même continuum. 

Cela n’implique par pour autant qu’il existe une entité “Gange” autonome, qui sorte la tête de temps à la surface de l’eau pour proclamer « c’est moi le Gange ». 

Il y a donc bien un continuum, mais pas d’entité distincte.

L’histoire du Gange, avec ses diverses caractéristiques sans cesse changeantes, est différence de celle de la Seine. 

Cette différence justifie de lui associer un concept et un nom. 

Il en va de même de la notion de “personne”, qui reflète l’histoire de notre flot de conscience. 

Le “moi” existe bien, mais uniquement en tant que désignation conceptuelle qui permet de relier entre eux un ensemble de phénomènes. 

Le “moi” n’est qu’une “désignation conceptuelle”, dénuée d’existence propre, attachée au flot de conscience. 

La “personne” est l’histoire d’un flot de conscience particulier, le vôtre étant diffèrent du mien.

Les êtres ordinaires n’ont guère de maitrise sur le flot de leur conscience et ne comprennent pas la nature fondamentale de la conscience. 

De ce fait, cette conscience est emportée comme une plume au vent par le Karma, en direction de divers modes d’existence.

Celui qui a réalisé la nature de la conscience est libéré de l’ignorance et des toxines mentales (haine, désir, arrogance, jalousie, etc.) et n’accumule plus de karma négatif. 

Le flot de son esprit est à la fois limpide (grâce à la connaissance) et flexible (grâce à l’entraînement). 

Un tel être est libéré du samsara et n’est plus contraint de se réincarner en raison de ses actes karmiques. 

C’est mû par une compassion sans limite pour les êtres qui souffrent dans le samsara qu’il fait vœu de renaître volontairement pour accomplir le bien des êtres et les délivrer de la souffrance.  



Propos extraits librement à partir du blog de Matthieu Ricard : http://www.matthieuricard.org/

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